Les années 2000 marquent le début d’une révolution dans l’industrie audiovisuelle avec l’apparition de la VOD (vidéo à la demande). À cette époque, la dématérialisation du cinéma devient une alternative viable pour les consommateurs, leur permettant de visionner des films depuis leur domicile, sans dépendre des horaires des salles de cinéma ou de la télévision. Ce modèle se distingue par sa flexibilité : un large catalogue de films et séries disponibles à tout moment, accessibles via une simple connexion internet.
En France, ce marché connaît une croissance importante dans les années 2010. En 2011, les films les plus demandés en VOD incluent Harry Potter et les Reliques de la Mort – Partie 2, Intouchables, et Drive, reflétant un mélange de blockbusters, de succès locaux et de films indépendants. En 2012, la tendance se poursuit avec des titres comme The Avengers, Skyfall, et Le Prénom, qui confirment l’attrait pour les grandes productions internationales et les comédies françaises.
Concernant les dépenses des consommateurs, les statistiques montrent une croissance impressionnante. En France, les dépenses en films à la demande s’élèvent à 156 millions d’euros en 2011, atteignant 240 millions d’euros en 2016. Ce bond illustre non seulement l’adoption massive de la VOD mais aussi le changement des habitudes de consommation, où la propriété physique (DVD, Blu-ray) est progressivement délaissée au profit de l’accès instantané.
Netflix, fondée à l’origine comme une plateforme de location de DVD par courrier, amorce sa transition vers le streaming en 2007. Dans les années 2010, l’entreprise devient un leader incontesté de l’industrie grâce à son modèle d’abonnement et à l’introduction du concept de binge-watching, où les spectateurs peuvent consommer une saison entière de série en une seule session. À partir de 2015, Netflix domine totalement le paysage du streaming avec des productions originales devenues cultes. House of Cards (2013) établit la norme en matière de qualité narrative, suivie par des séries emblématiques comme Orange Is the New Black (2013, Daredevil (2015), Stranger Things (2016),), et La Casa de Papel (2017).
Netflix maîtrisant l’art de produire du contenu adapté à des audiences culturelles variées, attire un public mondial avec ses productions, souvent audacieuses et diversifiées.
L’impact de Netflix sur le cinéma traditionnel est profondément ambigu. En 2017, la controverse éclate lors du Festival de Cannes, quand Okja, un film produit par Netflix, est sélectionné pour la compétition officielle. Ce choix suscite un débat houleux : les exploitants de salles de cinéma critiquent Netflix pour sa stratégie de diffusion, où les films ne sortent pas en salles, mais directement en streaming. Cette situation soulève des questions fondamentales : Netflix menace-t-elle l’existence même des salles de cinéma ? Ou bien participe-t-elle à démocratiser l’accès à des œuvres souvent exclues des circuits traditionnels ?
Pour répondre à ces accusations, Netflix multiplie les initiatives visant à prouver son soutien au cinéma. La plateforme finance des réalisateurs prestigieux, comme Martin Scorsese avec The Irishman (2019) ou Alfonso Cuarón avec Roma (2018), qui remportent plusieurs Oscars. Netflix investit également dans la restauration de films classiques et dans la production de films internationaux, contribuant à diversifier l’offre cinématographique mondiale.
Sur le plan économique, Netflix affiche une croissance exponentielle. En 2015, la plateforme dépasse les 70 millions d’abonnés dans le monde, un chiffre qui atteint 230 millions en 2023. Ses revenus suivent la même courbe ascendante, passant de 6,7 milliards de dollars en 2015 à près de 40 milliards de dollars en 2023. Cette expansion impressionnante redéfinit les attentes des consommateurs envers les médias.
Le succès de Netflix inspire de nombreuses entreprises à tenter leur chance dans l’industrie du streaming. Cependant, plusieurs initiatives échouent face à la domination de Netflix. Des plateformes comme PlayStation Vue, Seeso, et Yahoo Screen ferment leurs portes après quelques années d’existence, incapables de rivaliser avec le contenu et la base d’abonnés de Netflix.
Ces échecs s’expliquent par plusieurs facteurs. Netflix bénéficie d’un catalogue riche et varié, constamment renouvelé, ainsi que d’une infrastructure technologique robuste. Par ailleurs, son algorithme de recommandation, basé sur l’apprentissage automatique, offre une expérience utilisateur personnalisée qui fidélise les abonnés. Enfin, sa capacité à produire du contenu original à une échelle mondiale reste inégalée.
La pandémie de Covid-19, en début 2020, agit comme un catalyseur pour le streaming. Avec les confinements et la fermeture temporaire des salles de cinéma, les consommateurs se tournent massivement vers les plateformes de VOD et de streaming. Netflix enregistre une croissance record, ajoutant 37 millions de nouveaux abonnés en 2020.
Cette période voit également l’émergence de nouveaux géants du streaming, chacun apportant une identité distincte :
Disney+ (lancé en 2019), qui capitalise sur des franchises cultes comme Marvel, Star Wars, et Pixar.
Amazon Prime Video, offrant un mélange de productions originales et d’acquisition de droits exclusifs.
HBO Max, qui se positionne avec des contenus prestigieux et des sorties simultanées en salles et en streaming.
Apple TV+, axée sur des productions premium.
Crunchyroll, qui devient la référence en matière d’anime.
En 2023, le marché du streaming est dominé par ces géants, mais une concurrence féroce reste de mise. Le modèle économique des plateformes s’oriente vers des abonnements avec publicités pour capter de nouvelles audiences, tout en diversifiant les sources de revenus.
Entre 2015 et 2025, le paysage médiatique connaît des transformations profondes. Les frontières entre cinéma et télévision s’estompent, le streaming redéfinissant la manière dont les spectateurs consomment le contenu. Les films à gros budget sortent parfois directement en streaming, remettant en question le rôle des salles de cinéma.
D’un point de vue moral, cette évolution soulève des dilemmes éthiques. Les algorithmes qui dictent les recommandations favorisent-ils la diversité culturelle ou enferment-ils les spectateurs dans des bulles ? Le binge-watching, qui maximise la consommation, reflète-t-il une richesse narrative ou une surconsommation excessive de contenu ?
Sur le plan artistique, l’essor du streaming offre une plateforme à des créateurs souvent marginalisés par les circuits traditionnels, mais il pose également la question de la standardisation. Les plateformes privilégient-elles des œuvres véritablement audacieuses ou se concentrent-elles sur des produits formatés pour maximiser l’audience mondiale ?
À l’aube de 2025, le cinéma et la télévision ne sont plus les mêmes. Nous nous dirigeons vers un paysage médiatique où les plateformes façonnent à la fois la production et la réception des œuvres. Reste à savoir si cette ère numérique permettra de maintenir un équilibre entre accessibilité, diversité et qualité artistique, ou si elle renforcera les logiques purement commerciales, au détriment de l’essence même de la création.