Détective-scribe
Journal de bord, du 10 juillet 2025
Alors que je me préparais à vivre un week-end incroyable, marqué par l’arrivée tant attendue de Superman sur grand écran, je suis tombé sur un article au titre bien racoleur : un ancien acteur ayant incarné autrefois l’Homme d’Acier critiquait ouvertement le film et son message.
La miniature de l’article affichait des visages d’acteurs familiers —ceux de Henry Cavill, de Tom Welling… De quoi piquer ma curiosité. Mais en lisant l’article, surprise : aucun d’entre eux n’était concerné. L’acteur en question n’était pas vraiment celui qu’on placerait en tête d’un classement des meilleurs interprètes de Superman. Et pourtant, ses propos ont déclenché une vraie tempête dans la communauté.
En effet, Dean Cain, l’ancien interprète de Superman dans la série Lois & Clark des années 90, s’est récemment exprimé au sujet du prochain film Superman, le qualifiant de « pro-immigration ». Des propos jugés controversés, qui lui ont valu la colère d’une partie des fans de super-héros, l’accusant de profiter de la sortie du film pour promouvoir les idées politiques du président actuel, qu’il soutient ouvertement. Il faut dire que depuis Batman v Superman de Zack Snyder, l’image de Superman est devenue un terrain d’affrontement idéologique entre conservateurs et libéraux. Snyder a d’ailleurs été lui aussi accusé d’avoir « perverti » le personnage pour y projeter sa propre vision, souvent qualifiée d’objectiviste et ultra-conservatrice.
Aujourd’hui, la nouvelle version de Superman, incarnée par David Corenswet et réalisée par James Gunn, ne plaît pas à tout le monde. En particulier aux conservateurs les plus radicaux — les fameux "casquettes rouges" — qui voient d’un mauvais œil ce Superman altruiste, compatissant et porteur de tolérance. Des valeurs à l’opposé de l’idéologie individualiste qu’ils défendent. Gunn propose un Superman lumineux, inspirant, porteur d’espoir — ce qui déplaît clairement à ceux qui s’étaient habitués à une version sombre, cynique et tourmentée comme on leur a servi précédemment.
Mais la vérité, c’est que ce Superman-là, plus « lumineux », optimiste, et oui, peut-être un peu "woke", est celui qui se rapproche le plus de l’esprit original du personnage. Car Superman, rappelons-le, est un étranger venu d’ailleurs, littéralement un alien, terme souvent utilisé pour désigner les immigrants en situation irrégulière. C’est un naufragé de l’espace, recueilli par une famille américaine modeste qui lui transmet des valeurs fondamentales : bonté, solidarité, espoir, résilience. Des valeurs qu’il fera siennes et qu’il défendra toute sa vie, non par devoir, mais par choix.
Pendant longtemps, Hollywood a eu du mal à assumer cette douceur. Dans les films précédents et dans les jeux vidéo (comme Injustice), on a tenté de le rendre plus sombre, plus tragique, à l’image de Batman. On lui a retiré son père (mort d’une crise cardiaque en 1978 chez Richard Donner, puis d’une tornade en 2013 dans Man of Steel), on a tué sa fiancée (Injustice)… comme s’il fallait absolument lui créer des traumatismes pour le rendre crédible.
Mais Superman n’a pas besoin de ces artifices narratifs. Il porte déjà en lui une tragédie immense : celle d’être le dernier survivant d’un monde disparu, un être seul, caché, craignant d’être rejeté ou emprisonné à cause de ce qu’il est. Il est l’héritier d’un traumatisme profond, et pourtant, il choisit de faire le bien, toujours.
Ce n’est pas un concept sorti de nulle part car ses créateurs, Jerry Siegel et Joe Shuster, étaient les enfants d’immigrés juifs ayant fui les persécutions en Europe. Superman est leur hommage à tous ceux qui, malgré l’exil, malgré la douleur, ont choisi de croire encore à la justice, à l’entraide, et à la possibilité d’un monde meilleur.
Et c’est là que réside la vraie force de Superman. Ce n’est ni sa super-vitesse, ni sa force, ni même sa résistance à la douleur. C’est sa capacité à rester humain, à refuser que la souffrance le rende amer ou cruel, là où d’autres — comme Lex Luthor ou Batman — ont laissé la douleur dicter leur vie.
Le film de James Gunn semble vouloir renouer avec cette vision-là. Et c’est tant mieux.